mercredi 20 février 2013

Father Jacob, une brève histoire des chrétiens du Kerala...

A Kottayam, nous rencontrons le Pėre Jacob, fondateur du SEERI, un institut d'enseignement du syriaque (appelé aussi araméen), langue parlée par Jésus.

Father Jacob
Le père Jacob est un personnage, haut en couleur... Un puits de sciences... C'est un vrai régal et un privilège de l'écouter.

Et nous découvrons que l'araméen parlé à Maaloula, que nous connaissons bien en Syrie, n'est pas réellement l'original. Il n'est d'ailleurs plus utilisé.

Le SEERI est le seul endroit où le syriaque est enseigné. Pourquoi ?

Au 1er siècle, l'apôtre Saint Thomas - celui qui avait douté de la Résurrection du Christ, "heureux celui qui croit sans avoir vu", lui avait répondu le Christ en lui laissant mettre la main sur ses plaies - a évangélisé la côte Malabar. Certains,des chrétiens ont gardé le syriaque comme langue pour leur rite. Celui-ci a peu évolué, même au contact d'autres religions et d'autres civilisations. Le SEERI entretient cet usage et cette connaissance.

Voir leur site : www.seeri.org
(Saint Ephrem ecumenical research institute)

Mais les chrétiens du Kerala ont connu bien des divisions et des renaissances. Ils sont évalués aujourd'hui à 10 millions.

Les premiers chrétiens sont donc des hommes et des femmes évangélisés par l'apôtre Thomas. Le premières communautés s'installent sur la côte Malabar. Ils sont appelés. Ls chrétiens MALABAR.

Ils sont rejoints en l'an 345 par une première vague d'émigration de chrétiens syriaques, qui arrivent d'Antioche et d'Edesse (actuellement en Turquie). Ces chrétiens sont appelés les KNANAYA. Ils suivent un autre Thomas, Thomas de Cana. Ils s'installent aussi dans le Kerala et s'intègrent parfaitement aux premières communautés dont ils partagent la langue et la culture.


Notre Pere en arameen (syriaque)

Une seconde vague d'émigration arrive au IXème siècle. Ils apportent un renouveau liturgique et la musique qui sera intégrée dans les rites des premières communautés.

Il faut noter que les chrétiens syriaques étaient assez nombreux et ils ont voyagé jusqu'en Extrême Orient. Comme l'atteste la reproduction de la stèle de Xianfu, qui se trouve dans le jardin des Missions Etrangères de Paris (MEP), il existait un Métropolis (sorte d'évêque) en 686 en Chine. Ainsi, bien avant Marco Polo, il y avait des échanges avec l'Empire du Milieu !

Les premiers conflits arrivent avec les Portugais. Au XVè siècle, plus exactement en 1498, Vasco de Gama et ses missionnaires ont voulu imposé la tradition latine. Ils reprochaient aux chrétiens de cette région d'avoir intégré des rites hindouistes. Ils voulaient aussi revenir au célibat des prêtres que cette Eglise d'Orient n'imposait pas.

Les portugais sont très maladroits et veulent imposer par la force leur conception du catholicisme. Au cours d'un synode, le synode de Diamper, en Inde, les évêques portugais, vont faire bruler les livres liturgiques syriaques et vont exiger que les prêtres renvoient leur épouse et renoncent aux pratiques hindouistes. Age sombre de l'Eglise ! Imaginons la perte de ce patrimoine unique, parti en fumée. 

Cette violence conduit une partie des chrétiens à se rebeller. C'est la "grande contestation" - appelée koonan kurisu - de 1653. Les protestataires attachent une corde autour d'une grande croix et font un vœu : "Nous voulons être syriaques". Parmi eux, certains, pour pouvoir continuer à pratiquer leur culte, sans dépendre des évêques et de Rome, deviennent orthodoxes. Ils sont appelés les SYRO JACOBITES.
Icones realisees grace a une formation au Liban


Pour compliquer le tout, certains des chrétiens orthodoxes se revendiquent du patriarche d'Antioche (patriarche orthodoxe occidental) et d'autres du patriarche oriental (Eglise chaldéenne). C'est une découverte pour nous cette différence entre les deux patriarcats (occidental et oriental).

Cette division, qui existe encore aujourd'hui, a été aussi "amplifiée" par les Britanniques qui ont encouragé une partie des orthodoxes à créer leur propre église qui a été ainsi "anglicisée". C'est la dernière division qui date de 1875. Ces chrétiens sont appelés MAR THOMAS SYRIAN CHURCH.

C'est à cette période, que la Bible a été traduite en Mallairam pour la première fois.
Le temps de réconciliation arrive au XXè siècle où des discussions s'engagent entre chrétiens orthodoxes et Rome. La discussion dure longtemps mais abouti en 1930 par la réintégration de ces chrétiens dans l'Eglise catholique. Ce sont les Chrétiens SYRO MALANKAR qui adoptent leur propre liturgie qui emprunte au syriaque et au Malairam.


Quelle magnifique et dramatique leçon d'histoire qui nous rappelle que l'Eglise est une belle multinationale, au discours universel et riche de sa diversité... Avec ses moments de grandeurs et ses moments s'égarements.

Nous nous donnons rendez-vous au Liban, où le père Jacob vient chaque année, très impliqué sur les questions d'oécuménisme. La célébration du 25 mars, autour de Myriam/Marie qui rassemble toutes les communautés libanaises pour un moment de prière et de partage l'a très intéressé.