vendredi 10 mai 2013

A l’assaut de la ville-Etat, Pékin…


Trente heures de train, supers moments bien reposants de préparation de notre dernière étape chinoise, Pékin. Timothée en profite pour faire une gastro carabinée !

Après ces 15 jours dans le désert et les grands espaces … à « bouffer » sable et poussière … Nous sommes heureux de revenir « en ville ». Nous restons des citadins, des « homos urbanicus » !

On nous avait prévenus que l’avenue des Champs Elysées était comme une ruelle à Pékin, mais effectivement, le plus grand de nos boulevards parisiens reste une petite impasse dans cette capitale de la démesure… Nous allons apprendre à gérer les distances entre deux stations de métro ou deux arrêts de bus… Nous ferons des kilomètres à pied !

Une fois de plus la météo est clémente. Pékin nous apparaît sous ses meilleurs jours entre la sortie de l’hiver assez long et l’arrivée de l’été chaud et humide. Il neige des flocons de saules et de bouleaux. Le printemps ne dure que quelques jours, le temps de fleurir les arbres et nous avons la chance d’y être à ce moment… en même temps que le milliard et demi de chinois qui profite du pont du 1er mai !

Dans ce pays si laborieux, les chinois travaillent le samedi et dimanche qui précèdent le 1er mai pour pouvoir s’offrir trois jours de congés ! Autres mœurs, autre approche du travail et des loisirs.

Ainsi, nous découvrirons les beaux spots pékinois avec… quelques dizaines de millions d’autres chinois… Mais ça nous a énormément plu de vivre à l’heure des loisirs chinois, tellement disciplinés, souriants et calmes. Nous imaginons les premières hordes de français en 1936 qui découvraient, avec le Front Populaire, les premiers « congés payés » !

D’ailleurs, on s’habitue assez rapidement à cette foule de personnes, tous armés d’appareils photos qui posent, qui mitraillent et qui rigolent… des millions de photos en quelques heures ! Mais où va-t-on sauvegarder ces milliards de millions de pixels ?

Etonnamment, cette capitale de plus de 15 millions d’habitants est active et relativement calme, surpeuplée mais vraiment aérée, congestionnée certainement mais peu d’embouteillages… Les autorités chinoises ont le sens de l’organisation et surtout le sens de la gestion des flux… Nous apprendrons qu’il faut de longues années avant de pouvoir acheter une voiture, même si on en a les moyens. Le nombre de nouvelles immatriculations étant limité et parfois tiré à la loterie chaque année. Chaque jour, un nombre limité de voiture peuvent circuler, en fonction de leur dernier numéro de plaques d’immatriculation. Certes, on y perd beaucoup en créativité mais on y gagne clairement en efficacité !

Les trottoirs sont larges, protégés. Les voitures roulent lentement et très peu de klaxons malgré un flot ininterrompu. Il y a très peu de chiens. Là aussi le Parti et la municipalité veillent à gérer la population canine… Il faut des autorisations et leur nombre est contrôlé !

En 25 ans, Pékin a profondément changé. Il y avait des files de vélos qui étaient alors prioritaires sur les rares voitures et qui roulaient par dizaines de milliers. Désormais, les vélos sont plus rares. Ils sont désormais « électriques » et fonctionnent sans bruit ni pollution…

A la descente du train, à Pékin, nous courons immédiatement à l’ambassade de Mongolie pour y déposer nos passeports pour les visas, finalement tellement faciles à obtenir. Il nous restera juste le visa russe à obtenir à Oulan Baator, où on nous souhaite beaucoup de courage et de patience… Mais nous avons le temps… et l’espérance… Finalement, tout au long de ce périple, le stress pour obtenir visa et extension auront été bien gérés, sans trop de contraintes. Là encore, il faut faire confiance à notre bonne étoile et ne pas trop lire les blogs des uns et des autres, toujours très inquiétants, stressant et alarmants. Papa confirme « Ne lisez pas le blog des autres, faites votre propre voyage J ! ».

Pékin, c’est aussi la ville de la « tentation ». Les filles vont se ruer, dans un énorme marché de fringues… qui vend toutes les grandes marques au prix des… contrefaçons ! Et les parents découvrent que leurs aînées ont déjà des goûts d’adolescentes occidentales ! Impossible de lutter « au nom du bon goût » contre cette mode ! Nous allons devoir « subir » quelques années… ces jeans troués, ces grosses chaussures montantes, ces couleurs sombres, ces logos… Les parents sont traités de « vieux », de « ringards », de « trop classiques »…  Soit !
La famille Montariol entre dans une nouvelle ère, où les parents conseillent, essayent d’influer et où… les enfants choisissent, au nom de leurs propres normes et conventions esthétiques !

La mode à la chinoise est un retour à l’excentrique excessif après ces années de gris imposé à l’ensemble de la population…Tous ayant les cheveux noirs, chacun essaye de se démarquer à sa manière en ajoutant soit des oreilles colorées de chat, soit des lunettes sans verre ou autres excentricités…Maman confie sa tête pour une nouvelle coupe de cheveux dans un salon de coiffure qui tous les matins, pendant une demi-heure motive son personnel en musique sur le trottoir. Du team building poussé à l’extrême !!

Quand à Timothée qui a bien compris le système consumériste nous rappelle à chaque instant son actuel leitmotiv « faut payer, maman faut payer ! ».

Notre étape pékinoise n’aurait jamais été si agréable sans nos amis Alexia et Vincenzo, collègue de papa en Haïti et qui habitent à Pékin depuis 4 ans. Avec beaucoup d’amitié et de finesse, ils vont nous guider, nous conseiller sur nos itinéraires, notamment en Mongolie, où Vincenzo travaille. Ils vont accueillir  « comme à la maison », les enfants tellement heureux de redécouvrir les céréales, les jeux, les pizzas et les pâtes italo-ibériques !

Un immense merci aussi à leurs enfants, Pétro et Santiago, déjà polyglottes (3 langues maîtrisées à 6 ans, ça fait rêver !) qui vont partager leurs jeux, leur vélo, leur piscine et leurs espaces avec nos enfants tellement affamés et joueurs !

Augustin, tout particulièrement, profitera de leur accueil et y dormira plusieurs nuits sans vouloir revenir dans notre… auberge de jeunesse si bien tenue et si fleurie !
Peking Yard Hostel, aménagé dans un ancien Hutong.


La vie d’expatriés offre cette joie de revoir les « anciens » rencontrés dans les postes précédents. Ces amitiés construites dans d’autres environnements et d’autres contextes, résistent à la durée malgré parfois une longue période de silence et d’éloignement.

Grâce à eux, nous allons découvrir un endroit merveilleux de cette mégalopole, l’Art Center, 798. Cet ancien entrepôt est-allemand a été « investi » par des artistes chinois qui lui ont redonné une âme. Des dizaines de milliers de mètres-carré consacrés à la créativité locale et internationale. Certains musées internationaux y ont même une galerie ou une succursale. Bien sûr, il nous a été difficile d’appréhender le milieu artistique  mais nous avons pu constater une réelle magie dans cet endroit qui ressemble à une Biennale permanente, voire même à la mythique Cristiana de Copenhague des années 60’s.

Le marché de l’art est désormais asiatique et chinois. Ils produisent, absorbent, réinventent, collectionnent et achètent ! Il y a du formel, du classique et de l’avant-garde… Quelle magnifique effervescence que Paris, Londres, Barcelone ont du connaître il y a quelques années…

Dans la « Une brève histoire de l’avenir », Jacques Attali, dresse un beau panorama de ces cités-Etats qui ont gouverné le monde dans l’Antiquité, au Moyen-âge, à la Renaissance et aux temps modernes : Babylone, Athènes, Rome, Constantinople, Gènes, Venise, Paris, Londres, New York, Tokyo…

Avec Shanghai, l’autre capitale économique, Pékin est assurément l’une d’entre elles. Cette ville donne le tempo à tout le pays, toute la région et aussi à la planète entière.

La ville s’est malheureusement « aseptisée ». Les quartiers populaires, les hutongs ont été progressivement détruits, victimes de la folie centralisatrice du régime omniprésent. Dans le métro et les transports en commun, chacun se réfugie sur son téléphone portable, connecté à son réseau social ou visionnant des petites séries ou des films. L’occidentalisation et son way of life sont en marche inexorablement pour le meilleur et pour le pire.

Nous restons lucides et critiques sur ce régime, extrêmement oppresseur, peu soucieux de droits de l’homme, qui décide pour tous et impose ses décisions à chacun. Nos lectures nous rappellent les folies meurtrières du « Grand Bond en avant », de la « Révolution Culturelle »… qui vont détruire des millions de famille et affaiblir durablement les fondements du pays, à une époque où Mao avait encore beaucoup de supporters en Europe !

Dans nos discussions, nous découvrons que le régime et tout le pays fonctionne autour de deux axes, le nationalisme et le consumérisme.

Le nationalisme se manifeste, en interne, à l’égard de ses minorités par une colonisation de peuplement des Hans dans les régions périphériques comme le Yunnan, le Tibet, le Xinjiang et par une répression féroce de toute revendication d’autonomie ou d’indépendance de ces minorités.

A l’échelle régionale, la Chine veut dicter sa loi à ses voisins. Elle a d’ailleurs les moyens d’imposer sa propre vision aux autres puissances. Taiwan est toujours interdit de toute représentation dans les structures internationales, même dans les institutions uniquement techniques. La Corée du Nord est un allié, actuellement assez indocile et incontrôlable, mais seule la Chine pourra « raisonner » sa capacité de nuisance et sa paranoïa. La Corée du Sud est devenue un des premiers partenaires de la Chine continentale. Les relations sont donc très intriquées et commerciales. L’immense marché chinois lui offre un ascendant certain sur ces voisins. Depuis la fin des années 1930, et l’atroce occupation japonaise en Mandchourie, les relations avec le Japon sont conflictuelles. Ces deux puissances aspirent à maintenir leur influence dans cette région. Elles revendiquent chacune des ilots et sont partis dans une course à l’armement où chacun montre ses muscles.

Après des années de protection contre les étrangers, qui peuvent s’expliquer par les différentes guerres du XIX et début XXè et les traités inégaux, l’Empire du Milieu s’ouvre et cherche des débouchés à son dynamisme. La Chine a ainsi initié la construction de plusieurs autoroutes et voies ferrées avec l’Extrême Orient pour pouvoir rejoindre Singapour en quelques journées. L’heure est donc à l’ouverture et à la conquête.  

Par ailleurs, la croissance repose clairement sur le consumérisme de tout ce peuple qui s’éveille et découvre les joies de « l’avoir » et individualisme. Nous avons été impressionnés par ces grandes galeries, ces marchés, ces malls gigantesques. Toutes les marques s’exposent, s’échangent. Pour les produits étrangers, le marché s’ouvre, mais avec des contraintes techniques et légales encore assez fortes qui protège encore quelque temps, le marché intérieur. Les chinois exigent aussi des transferts de technologie sur les ventes de produits finis pour ensuite les reproduire à moindre couts. Dans les villes, une importante classe moyenne émerge. Les indicateurs de pauvreté reculent. La Chine est un des rares pays qui atteindra en grande partie les indicateurs du Millenium. La Chine connaît une croissance économique unique dans l’histoire de l’humanité. Et il faut imaginer à quelle échelle ! Ce dynamisme touche un terrien sur cinq !


L’éveil démocratique est encore attendu, mais l’histoire est en marche. Qui donc aurait imaginé ce scenario il y a deux décennies ?