lundi 15 avril 2013

Sur les traces de Marco Polo aux confins de la Chine occidentale... aux frontières du Pakistan, du Tadjikistan et du Kirghizistan…


Mais pourquoi diantre, papa a-t-il voulu absolument venir dans un coin aussi paumé ?
 
Pourquoi y-a-t-il aussi attiré nos bons amis cévenols, Suzanne et Philippe qui nous ont retrouvés à Urumiq après 24 heures d’avion et de trajet pour une dizaine de jours ? Pourtant, ces amis avaient déjà « subi ses maudits conseils » dans d’autres aventures dangereuses !
 
Probablement, papa voulait revivre en famille, la merveilleuse aventure qu’il avait faite avec son grand frère Benoît, du côté pakistanais, en 1993, lorsqu’ils étaient arrivés à quelques kilomètres de la frontière chinoise, dans les magnifiques vallées de la Swat ou la vallée ismaélienne après Gilgit ! Ces vallées sont désormais interdites aux touristes à cause de la présence talibane qui s’y est réfugiée et qui en a fait un de ses nombreux sanctuaires!
 
A l’époque, ces vallées et ce fabuleux Karakoram Highway, qui passait devant le K2 (2èmeplus haut sommet du monde), amenaient à la frontière chinoise qui restait désespérément fermée. Désormais, avec cette Chine conquérante qui s’ouvre à tous les marchés, la frontière est ouverte quelques mois par an... Malheureusement, elle s’ouvrira cette année que le… 1er mai, à cause des conditions météorologiques encore difficiles!
 
Mais pourquoi, toute la famille Montariol suit toujours aussi docilement le paternel, sans trop poser de questions! Pourquoi, papa ne lit presque jamais les guides? Pourquoi se laisse-t-il guider par ses envies? Pourquoi, ne consulte-t-il pratiquement jamais les « conseils aux voyageurs »? Pourquoi nous entraine-t-il toujours, avec tellement d’enthousiasme (et parfois d’insouciance) dans ses rêves et aventures?
 
Parce que, avouons-le, cette étape du Xinjiang était vraiment osée! Lucile, les enfants et les amis se sont ouvertement demandés à plusieurs reprises « mais pourquoi nous sommes-nous mis dans cette galère ! »
 
Evidemment, comme tous les guides le mentionnaient, il fait très froid dans le Xinjiang à cette période. Chaque jour, nous avons eu notre petit épisode de neige. Evidemment, tout le monde, à tour de rôle, a eu son épisode de rhume! Tous les soirs c’était un concerto d’éternuements contagieux !
 
Les nuits étaient fraiches - dehors, l’eau gelait - les hébergements étaient souvent succincts et mal chauffés. Tous, familles et amis, nous nous réfugions alors sous les lourdes couvertures odorantes de yak! 11 personnes dans 10 m², ça réchauffe!
 
Le matin, les enfants (enfin les plus légers) s’amusaient à glisser sur quelques plaques de neige glacée, à la suite des yaks beaucoup plus souples !
 
Le ciel était souvent couvert, avec un petit vent glacial mais lorsque le ciel laissait apparaître le soleil, alors le paysage était absolument unique, fabuleux et magique !
 
Cette partie de la Route de la Soie traverse des vallées en altitude (moyenne de 3.000 mètres d’altitude), avec de chaque côté, des sommets enneigés de plus de 6.000 mètresd’altitude qui semblent accessibles. Maman, Maguelone, Philippe et Suzanne feront d’ailleurs un superbe trek jusqu’au glacier d’une montagne culminant à 7 700 mètres, le Mustarata, malgré leur état convalescent ! 4 heures pour atteindre 4 400 m
 
Pour arriver dans ce Xinjiang, aux confins des frontières du Pakistan, du Tadjikistan et du Kirghizstan… il faut vraiment le mériter !
 
Mais comment sommes-nous arrivés là ?
 
Le Xinjiang est la plus grande province chinoise. Elle est plus éloignée de « sa » capitale chinoise, Pékin, que des capitales de la Région, Islamabad, Bichkek, Tachkent…
 
On dit que c’est que c’est le point le plus éloigné de la mer ! (Mais ça nous l’avons déjà entendu dans d’autres endroits !).
 
Et pourtant, cette région et sa capitale mythique, Kashgar, ont eu une importance primordiale dans l’histoire des échanges commerciaux (Route de la Soie, ouverte par Marco Polo) et même encore aujourd’hui, par les richesses de ses sous-sols.
 
Nous avons pris l’avion du Yunnan, région décidément plus accueillante et clémente à Lijiang, transit à Chengdu puis 5 heures d’avion pour atterrir à Urumqi.
 
Nous avons aimé notre première capitale d’une région chinoise, très développée, aux larges avenues, où la population Han se mélange à la population Ouïgoure, largement majoritaire.
 
La ville a été fermée ces deux dernières années, suite à des manifestations d’autonomistes ouïgours, durement réprimées par les autorités chinoises, qui pratiquent ici comme au Tibet ou au Yunnan, une colonisation de peuplement assez massive, conquérante et irréversible.
 
Arrivés en pleine nuit dans un dortoir d’une auberge de jeunesse locale, le lendemain nous avons quelques heures de CNED avant que papa et Maguelone aillent acheter des billets de train à l’immense gare de Urumqi. Belle expérience ! Nous avons des billets, en espérant qu’ils nous mèneront là où nous avons prévu d’aller ! Rien n’est sûr ! Mais c’est sympa d’avoir une dizaine d’interlocuteurs qui veulent réellement nous aider et qui partent dans éclats de rire quand ils découvrent les 5 passeports des enfants !
 
Le reste de la famille profite de la proximité d’un centre commercial et d’un beau parc pour refaire les provisions de friandises !
 
Le soir, nous accueillons donc avec grand plaisir les Malherbe qui ont traversé six fuseaux horaires pour nous accompagner une dizaine de jours.
 
Philippe est un des fondateurs, avec notre bon ami Rachid, d’Initiative Développement(ID) une ONG française pour laquelle Bruno a travaillé au Bénin, à Poitiers puis en Haïti. Philippe et Bruno avaient d’ailleurs fait ensemble, une mémorable mission de prospection en Chine dans le Guizhou, pour ID qui y a développé plus tard un superbe programme environnemental très innovant.
 
Voir site : http://id-ong.org/
 
Depuis, leurs chemins se sont séparés. Bruno est parti comme « mercenaire » de la Commission Européenne et Philippe, médecin de formation s’est installé dans les Cévennes. Suzanne y était aussi institutrice.
 
Philippe est parrain de notre dernier Timothée. Protestant militant et très engagé, il avait cependant fallu, sur les recommandations de notre « chapelain » Norbert, lui « adjoindre » deux autres parrains, un catholique italien, Andrea, et un maronite libanais, Omar. Il fallait bien ça pour « neutraliser » le prosélytisme parpaillot ! J ! Timothée est bien protégé !
 













Le lendemain, de leur arrivée, le 8 avril, nous prenons le train pour… 30 heures en couchettes dures! Décidément, nous adorons le train. Celui-ci est impressionnant, sur deux étages avec hôtesse dans chaque wagon, samovar et thermos pour le thé. C’est l’occasion de parler, de jouer à des jeux de société, d’échanger des sourires avec nos voisins, de découvrir les menus uniformes du wagon restaurant, de se reposer et de rattraper le décalage horaire…
 
Tout au long de ces 1.500 kilomètres, le paysage est assez déprimant. Il s’agit d’un désert de sable, assez inhospitalier, ponctué d’immenses mines et usines et quelques villes nouvelles… Le Xinjiang regorge de charbon, d’acier, de fer et de cuivre dont le pays a tellement besoin pour entretenir sa croissance… Ces revendications d’autonomie ou d’indépendance vont en souffrir !
 
Nous arrivons enfin à Kashgar, épicentre de conflit et d’échanges culturels durant plus de deux millénaires. Nous sommes accueillis par le souriant Tadjurim qui sera notre guide ouïgour pendant 10 jours. Merveilleux guide, prévenant, disponible et à l’écoute des enfants et des exigences des… parents !
 
Nous nous installons dans une nouvelle auberge de jeunesse, bien accueillante, pour partir aussitôt à la découverte de cette ville.
 
Franchement, et malgré sa fabuleuse histoire, Kashgar est assez décevant à la première visite. La Révolution Culturelle a détruit les restes du mur d’enceinte. Les chinois sont en train de détruire les maisons traditionnelles pour les reconstruire à l’identique. Ils appellent ça de la « réhabilitation ». Ils promettent aux habitants accès à l’eau et à l’électricité, ce qu’ils fourniront sans aucune doute mais nous questionnons vivement cette nécessité de tout mettre par terre pour reconstruire. La vielle ville est donc un immense chantier poussiéreux en attendant sa… réhabilitation. Avec ses différents marchés du dimanche, nous découvrirons une ville plus attrayante et très dynamique.
 
La mosquée Id Hah, vielle de 1442, peut accueillir plus de 20.000 personnes. C’est la plus grande mosquée de Chine. Elle est très bien conservée et attire chaque jour plus de 3.000 personnes pour ses prières.
 
Le lendemain, le 10, nous partons en mini-van, plein sud-ouest sur la mythique Route dela Soie… en direction de Taskkurgan.
 
Nous prenons rapidement de l’altitude pour nous arrêter pour profiter du lac Kurakul, magnifique plan d’eau vert, alimenté par les glaciers.
 
Nous logeons dans une famille d’éleveurs bien accueillante, au pied du lac et des montagnes. Magnifique !
C’est impressionnant de voir ce que possède cette famille : deux poêles, des thermos, une télé (qui ne marche pas parce que l’électricité est solaire), de coussins et des couvertures. Le petit déjeuner se compose de pain dur et de thé de yak. Le déjeuner et le dîner sont semblables : du riz aux légumes. En hiver, il rajoute parfois de la viande et en été des produits laitiers.
 
Ils vivent principalement d’élevage (moutons, chèvres, yaks et quelques chameaux à poil long). Nous avons apprécié leur accueil simple et chaleureux. Nous y re-séjournerons une seconde nuit le surlendemain.
 
Nous avons vraiment apprécié cette étape où le soleil s’est durablement installé nous permettant de faire une magnifique promenade le long du lac.
 
Nous poursuivons notre route sur ce Karakoram Highway en direction du Pakistan. Finalement, nous nous arrêterons à Tashkurgan, dernière grande ville avant la frontière.
 
Cette ville accueille une grande majorité de Kirghiz. Le Kirghizstan est à seulement 14 kilomètres mais la frontière n’est ouverte que pour les hommes d’affaires.
 
Les femmes sont habillées de vêtements plutôt foncés. Elles portent un grand nombre de collants pour résister au froid et sont coiffées d’un original chapeau brodé, tenu par un tissu blanc.
 
Cette population pratique encore « l’enlèvement des filles ». Un groupe de jeunes hommes d’un village voisin viennent kidnapper une jeune fille, qu’ils retiennent quelques jours avant d’aller négocier la dot avec les parents… On ne quittera pas nos filles des yeux !
 
Tashkurgan était une étape importante sur cette Route de la Soie. Une forteresse protégeait les caravanes qui venaient remplacer leurs chameaux et chevaux.
 
Le Route de la Soie désigne un réseau ancien de routes commerciales entre l’Asie et l’Europe : il relie la ville de Chang'an (actuelle Xi’an connue pour son armée de soldats de terre) en Chine à la ville d’Antioche, en Syrie médiévale (aujourd'hui en Turquie). La route de la soie était un faisceau de pistes par lesquelles transitaient de nombreuses marchandises, et qui monopolisa les échanges Est-Ouest pendant des siècles, avant d'être supplantée par la voie maritime. Les plus anciennes traces connues de la route de la soie remontent au milieu du premier millénaire avant J.C. Au XVeme siècle, la route de la soie est progressivement abandonnée après plus de 2000 ans d'existence. La route tire son nom de la plus précieuse marchandise qui y transitait : la Soie, dont les Chinois furent pendant longtemps les seuls à détenir le secret de fabrication. (Wikipedia).
 
Marco Polo aurait emprunté cette route en 1275 et il en parle dans son Livre des Merveilles – Dévissement du Monde - mais certains historiens questionnent la réalité du voyage et des découvertes de l’auteur. Nous nous promettons tout de même de livre ce livre si mythique, un des premiers récits d’aventure et de voyage. L’ancêtre du blog !