Trente heures de train, supers moments bien reposants de
préparation de notre dernière étape chinoise, Pékin. Timothée en profite pour
faire une gastro carabinée !
Après ces 15 jours dans le désert et les grands espaces …
à « bouffer » sable et poussière … Nous sommes heureux de revenir
« en ville ». Nous restons des citadins, des « homos urbanicus » !
On nous avait prévenus que l’avenue des Champs Elysées était
comme une ruelle à Pékin, mais effectivement, le plus grand de nos boulevards
parisiens reste une petite impasse dans cette capitale de la démesure… Nous allons
apprendre à gérer les distances entre deux stations de métro ou deux arrêts de
bus… Nous ferons des kilomètres à pied !
Une fois de plus la météo est clémente. Pékin nous apparaît
sous ses meilleurs jours entre la sortie de l’hiver assez long et l’arrivée
de l’été chaud et humide. Il neige des flocons de saules et de bouleaux. Le
printemps ne dure que quelques jours, le temps de fleurir les arbres et nous
avons la chance d’y être à ce moment… en même temps que le milliard et demi de
chinois qui profite du pont du 1er mai !
Dans ce pays si laborieux, les chinois travaillent le samedi
et dimanche qui précèdent le 1er mai pour pouvoir s’offrir trois
jours de congés ! Autres mœurs, autre approche du travail et des loisirs.
Ainsi, nous découvrirons les beaux spots pékinois avec…
quelques dizaines de millions d’autres chinois… Mais ça nous a énormément plu
de vivre à l’heure des loisirs chinois, tellement disciplinés, souriants et
calmes. Nous imaginons les premières hordes de français en 1936 qui
découvraient, avec le Front Populaire,
les premiers « congés payés » !
D’ailleurs, on s’habitue assez rapidement à cette foule de
personnes, tous armés d’appareils photos qui posent, qui mitraillent et qui
rigolent… des millions de photos en quelques heures ! Mais où va-t-on
sauvegarder ces milliards de millions de pixels ?
Etonnamment, cette capitale de plus de 15 millions d’habitants
est active et relativement calme, surpeuplée mais vraiment aérée, congestionnée
certainement mais peu d’embouteillages… Les autorités chinoises ont le sens de
l’organisation et surtout le sens de la gestion des flux… Nous apprendrons
qu’il faut de longues années avant de pouvoir acheter une voiture, même si on
en a les moyens. Le nombre de nouvelles immatriculations étant limité et parfois
tiré à la loterie chaque année. Chaque jour, un nombre limité de voiture
peuvent circuler, en fonction de leur dernier numéro de plaques d’immatriculation.
Certes, on y perd beaucoup en créativité mais on y gagne clairement en
efficacité !
Les trottoirs sont larges, protégés. Les voitures roulent
lentement et très peu de klaxons malgré un flot ininterrompu. Il y a très peu
de chiens. Là aussi le Parti et la municipalité veillent à gérer la population
canine… Il faut des autorisations et leur nombre est contrôlé !
En 25 ans, Pékin a profondément changé. Il y avait des files
de vélos qui étaient alors prioritaires sur les rares voitures et qui roulaient
par dizaines de milliers. Désormais, les vélos sont plus rares. Ils sont désormais
« électriques » et fonctionnent sans bruit ni pollution…
A la descente du train, à Pékin, nous courons immédiatement
à l’ambassade de Mongolie pour y déposer nos passeports pour les visas,
finalement tellement faciles à obtenir. Il nous restera juste le visa russe à
obtenir à Oulan Baator, où on nous souhaite beaucoup de courage et de patience…
Mais nous avons le temps… et l’espérance… Finalement, tout au long de ce périple,
le stress pour obtenir visa et extension auront été bien gérés, sans trop de
contraintes. Là encore, il faut faire confiance à notre bonne étoile et ne pas
trop lire les blogs des uns et des autres, toujours très inquiétants, stressant
et alarmants. Papa confirme « Ne
lisez pas le blog des autres, faites votre propre voyage J ! ».
Pékin, c’est aussi la ville de la « tentation ». Les filles vont se
ruer, dans un énorme marché de fringues… qui vend toutes les grandes marques au
prix des… contrefaçons ! Et les parents découvrent que leurs aînées ont
déjà des goûts d’adolescentes occidentales ! Impossible de lutter
« au nom du bon goût » contre cette mode ! Nous allons devoir
« subir » quelques années… ces jeans
troués, ces grosses chaussures montantes, ces couleurs sombres, ces logos… Les
parents sont traités de « vieux »,
de « ringards », de « trop classiques »…
Soit !
La famille Montariol entre dans une nouvelle ère, où les
parents conseillent, essayent d’influer et où… les enfants choisissent, au nom de
leurs propres normes et conventions esthétiques !
La mode à la chinoise est un retour à l’excentrique excessif
après ces années de gris imposé à l’ensemble de la population…Tous ayant les
cheveux noirs, chacun essaye de se démarquer à sa manière en ajoutant soit des
oreilles colorées de chat, soit des lunettes sans verre ou autres excentricités…Maman
confie sa tête pour une nouvelle coupe de cheveux dans un salon de coiffure qui
tous les matins, pendant une demi-heure motive son personnel en musique sur le
trottoir. Du team building poussé à
l’extrême !!
Quand à Timothée qui a bien compris le système consumériste
nous rappelle à chaque instant son actuel leitmotiv « faut payer, maman faut payer ! ».
Notre étape pékinoise n’aurait jamais été si agréable sans
nos amis Alexia et Vincenzo, collègue de papa en Haïti et qui habitent à Pékin
depuis 4 ans. Avec beaucoup d’amitié et de finesse, ils vont nous guider, nous
conseiller sur nos itinéraires, notamment en Mongolie, où Vincenzo travaille.
Ils vont accueillir « comme à la
maison », les enfants tellement heureux de redécouvrir les céréales, les
jeux, les pizzas et les pâtes italo-ibériques !
Un immense merci aussi à leurs enfants, Pétro et Santiago,
déjà polyglottes (3 langues maîtrisées à 6 ans, ça fait rêver !) qui vont
partager leurs jeux, leur vélo, leur piscine et leurs espaces avec nos enfants tellement
affamés et joueurs !
Augustin, tout particulièrement, profitera de leur accueil
et y dormira plusieurs nuits sans vouloir revenir dans notre… auberge de
jeunesse si bien tenue et si fleurie !
Peking Yard Hostel, aménagé dans un ancien Hutong.
La vie d’expatriés offre cette joie de revoir les
« anciens » rencontrés dans les postes précédents. Ces amitiés
construites dans d’autres environnements et d’autres contextes, résistent à la
durée malgré parfois une longue période de silence et d’éloignement.
Grâce à eux, nous allons découvrir un endroit merveilleux de
cette mégalopole, l’Art Center, 798.
Cet ancien entrepôt est-allemand a été « investi » par des artistes
chinois qui lui ont redonné une âme. Des dizaines de milliers de mètres-carré
consacrés à la créativité locale et internationale. Certains musées internationaux
y ont même une galerie ou une succursale. Bien sûr, il nous a été difficile
d’appréhender le milieu artistique mais
nous avons pu constater une réelle magie dans cet endroit qui ressemble à une Biennale permanente, voire même à la
mythique Cristiana de Copenhague des
années 60’s.
Le marché de l’art est désormais asiatique et chinois. Ils
produisent, absorbent, réinventent, collectionnent et achètent ! Il y a du
formel, du classique et de l’avant-garde… Quelle magnifique
effervescence que Paris, Londres, Barcelone ont du connaître il y a
quelques années…
Dans la « Une
brève histoire de l’avenir »,
Jacques Attali, dresse un beau panorama de ces cités-Etats qui ont gouverné le
monde dans l’Antiquité, au Moyen-âge, à la Renaissance et aux
temps modernes : Babylone, Athènes, Rome, Constantinople, Gènes, Venise,
Paris, Londres, New York, Tokyo…
Avec Shanghai, l’autre capitale économique, Pékin est
assurément l’une d’entre elles. Cette ville donne le tempo à tout le pays,
toute la région et aussi à la planète entière.
La ville s’est malheureusement « aseptisée ». Les
quartiers populaires, les hutongs ont
été progressivement détruits, victimes de la folie centralisatrice du régime
omniprésent. Dans le métro et les transports en commun, chacun se réfugie sur
son téléphone portable, connecté à son réseau social ou visionnant des petites
séries ou des films. L’occidentalisation et son way of life sont en marche inexorablement pour le meilleur et pour
le pire.
Nous restons lucides et critiques sur ce régime, extrêmement
oppresseur, peu soucieux de droits de l’homme, qui décide pour tous et impose
ses décisions à chacun. Nos lectures nous rappellent les folies meurtrières du « Grand Bond en avant », de la « Révolution Culturelle »…
qui vont détruire des millions de famille et affaiblir durablement les
fondements du pays, à une époque où Mao avait encore beaucoup de supporters en
Europe !
Dans nos discussions, nous découvrons que le régime et tout le
pays fonctionne autour de deux axes, le nationalisme et le consumérisme.
Le nationalisme se manifeste, en interne, à l’égard de ses
minorités par une colonisation de peuplement des Hans dans les régions
périphériques comme le Yunnan, le Tibet, le Xinjiang et par une répression
féroce de toute revendication d’autonomie ou d’indépendance de ces minorités.
A l’échelle régionale, la Chine veut dicter sa loi à ses voisins. Elle a
d’ailleurs les moyens d’imposer sa propre vision aux autres puissances. Taiwan
est toujours interdit de toute représentation dans les structures internationales,
même dans les institutions uniquement techniques. La Corée du Nord est un allié,
actuellement assez indocile et incontrôlable, mais seule la Chine pourra
« raisonner » sa capacité de nuisance et sa paranoïa. La Corée du Sud est devenue un
des premiers partenaires de la
Chine continentale. Les relations sont donc très intriquées
et commerciales. L’immense marché chinois lui offre un ascendant certain sur
ces voisins. Depuis la fin des années 1930, et l’atroce occupation japonaise en
Mandchourie, les relations avec le Japon sont conflictuelles. Ces deux puissances
aspirent à maintenir leur influence dans cette région. Elles revendiquent
chacune des ilots et sont partis dans une course à l’armement où chacun montre
ses muscles.
Après des années de protection contre les étrangers, qui
peuvent s’expliquer par les différentes guerres du XIX et début XXè et les
traités inégaux, l’Empire du Milieu s’ouvre et cherche des débouchés à son
dynamisme. La Chine
a ainsi initié la construction de plusieurs autoroutes et voies ferrées avec l’Extrême
Orient pour pouvoir rejoindre Singapour en quelques journées. L’heure est donc
à l’ouverture et à la conquête.
Par ailleurs, la croissance repose clairement sur le
consumérisme de tout ce peuple qui s’éveille et découvre les joies de « l’avoir »
et individualisme. Nous avons été impressionnés par ces grandes galeries, ces
marchés, ces malls gigantesques.
Toutes les marques s’exposent, s’échangent. Pour les produits étrangers, le
marché s’ouvre, mais avec des contraintes techniques et légales encore assez
fortes qui protège encore quelque temps, le marché intérieur. Les chinois
exigent aussi des transferts de technologie sur les ventes de produits finis pour
ensuite les reproduire à moindre couts. Dans les villes, une importante classe
moyenne émerge. Les indicateurs de pauvreté reculent. La Chine est un des rares pays
qui atteindra en grande partie les indicateurs du Millenium. La Chine connaît une croissance
économique unique dans l’histoire de l’humanité. Et il faut imaginer à quelle
échelle ! Ce dynamisme touche un terrien sur cinq !
L’éveil démocratique est encore attendu, mais l’histoire est
en marche. Qui donc aurait imaginé ce scenario il y a deux décennies ?