Nous sommes vraiment heureux et excités de nous retrouver
dans ce train que nous attendions avec impatience. Nous aimons le mouvement, le
bruit des wagons, les arrêts dans les gares reculées. Nous aimons bavarder
simplement avec les autres voyageurs, lire allongés sur nos couchettes, jouer
en famille…
Timothée et Augustin ont le droit d’escalader les couchettes
et de se promener dans les wagons. Ils sont les coqueluches du train, mais le
geste affectif n’est plus de pincer la joue, comme pour les 8 premiers mois,
mais de toucher les cheveux. C’est plus agréable et acepté par les
enfants ! Aucun risque qu’ils ne disparaissent puisque toutes les portes donnant
sur la voie sont fermées à clef et que chaque wagon a au moins deux ou trois
assistants. Le seul risque est de se bruler au « samovar » ancestral, alimenté au charbon et qui fournit de l’eau
bouillante pour le thé et pour ces fameuses nouilles instantanées qui inondent
toute l’Asie et que les filles aiment bien.
Nous avons une trentaine d’heure devant nous. Le train est
toujours, pour nous, l’occasion d’une relecture des journées précédentes et une
programmation des prochaines journées. Franck nous accompagne, nous questionne,
entre deux cigares. C’est un plaisir de relire les dernières semaines avec lui,
toujours disponible, drôle et simple.
Nous nous invitons aussi dans le wagon restaurant pour
apprécier la bière locale ou nous offrir un repas. Comme d’habitude, les menus
s’étalent sur plusieurs pages mais finalement, on est tous au même
régime ! Sur le transmongolien, les wagons restent les mêmes (soit chinois
soit russes), seul le wagon restaurant change en fonction du pays
traversé ! A cette occasion, nous découvrons le chou… Mauvaise nouvelle pour
les enfants, enfin heureuses de quitter les pays « épicés », ce
légume peu apprécié va nous poursuivre à chaque repas jusqu’en Europe de
l’Est !
Le passage de la frontière se fait en 4 heures, le temps de
changer les « bogies »,
c’est-à-dire de porter chaque wagon et de le reposer sur d’autres essieux. Les
russes (et donc les mongols) et les chinois utilisent un écartement des voies
différent. Ils ont peur, l’un et l’autre, d’être envahi par l’autre !
Malheureusement, nous n’assisteront pas à la manœuvre mais les wagons sont
portés par d’immenses grues et déposés sur d’autres essieux.
Le paysage mongol, à travers le désert de Gobi est…
désertique ! Juste de la steppe, sèche et aride – on sort de près de 6
mois d’hiver. Il y voit beaucoup plus d’animaux (chevaux, chevaux et ovins) que
d’hommes. Il y a un ratio de 13 chevaux par homme dans ce pays, qui semble
avoir inventé l’équitation.
Parfois quelque yourtes et bâtiments autour de mines à ciel
ouvert. Les soviétiques ont labouré ces étendues vierges pour en tirer toutes
les richesses minières (charbon, or, cuivre). Il y a 300 mines dans le pays.
Les russes ont aussi surexploité les terres, par des quotas de production. On
estime à 70% les pâturages dégradés. 80% des espèces végétales auraient disparu.
Le train s’arrête dans des gares presque vides, frappées par
un vent glacial… Des passagers en descendent. Mais où peuvent-ils aller ?
Le lendemain, en début d’après midi, nous arrivons à Oulan
Bator, la capitale, la fameuse Urga qui est devenue la capitale au 1911.
Initialement, les capitales mongoles suivaient le rythme des saisons et des
déplacements des troupeaux. Chacin portait sa yourte (250 kg ) sur ses chameaux. Urga
s’est urbanisé au début du XXème siècle. A partir de 1930, les russes y bâtirent
une ville dans un style soviétique (immeubles d’un bloc, théâtres et bâtiments
administratifs gigantesques) autour de la place principale, la place
Sükhbaatar.
Désormais, elle héberge 1.200.000 sur les trois millions de
mongols et accueille un exode rural important. De nouveaux quartiers se créent.
La ville et aussi victime d’embouteillages importants.
Nous logeons dans un appartement de Mantra, une amie de
Haliun, responsable d’une ONG « pays oubliés », animés par un
beau-frère d’un bon ami du Liban. L’appartement est parfait. Nous profitons
d’avoir notre cuisine, notre salle de bains et pour les enfants… leur
télé ! Augustin et Timothée font des courses à cheval sur des vélos et des
jouets d’un enfant. L’appartement est situé en centre-ville. Génial…
Nous aimons Oulan Bator, très active avec de larges avenues,
qui s’ouvre à toute vitesse à l’occidentalisation. La scène musicale et les
soirées sont, parait-il, très animées mais très souvent… arrosées !
Bruno dépose ses demandes de visas russes dans une agence
agréée, seule habilitée à nous faciliter cette dernière obtention de visa. En
effet, les russes sont stricts – normalement, ils ne donnent le visa, que sous
certaines conditions dans le pays d’origine. Evidemment, nous sortons des
clous… donc nous sollicitions leur « bienveillance » ! Les
services consulaires ruses sont très longs. Il leur faut 12 jours ouvrables
pour délivrer un visa de tourisme et il faudra suivre, à la lettre,
l’itinéraire prévu et déclaré…
Papa et Franck visitent le musée d’histoire mongole, très
bien fait, qui retrace cette culture et histoire exceptionnelles et qui traite
la période communiste de façon très lucide, informative et assez distante. Ils
découvrent la richesse de cette culture mongole, nomade, qui a construit des
empires inégalés.
C’est le dernier jour de l’année universitaire et on assiste
ainsi à des groupes de centaine d’étudiants qui viennent célébrer sur la place
centrale leur diplôme. Très agréable et amusant de voir cette population qui
sort d’une forme « d’hivernation », en jupe très courte, vraiment
très courte, pour profiter des premiers rayons de soleil.
Le soir, nous assistons à un superbe programme de danse et
de chants, par une troupe mongole de grande qualité. Nous découvrons ainsi les incroyables
diphonies mongoles (khöömii) ainsi
que les danses traditionnelles et les contorsions inimaginables.
Le lendemain, nous faisons la connaissance trop rapide d’une
famille hollandaise de quatre enfants qui rentrent, pendant 6 mois, en voiture
d’Australie, où ils ont vécu 10 ans, jusqu’en Hollande. Famille vraiment épanouie
et ouverte, ils nous confirment que le voyage en voiture a ses propres
contraintes mécaniques et surtout administratives ! Il faut en effet avoir
des permissions spéciales pour la voiture pour traverser les frontières. Ainsi
ils privilégieront l’Asie centrale à la Russie , trop compliqué.
Nous partons avec deux voitures et notre guide, Ganaa, dans
le Parc National du Terej que nous découvrons en weekend. Situé à moins de 50 km de la capitale, il
attire un monde fou, le weekend. Superbe vallée, assez boisé, aux formations
granitique incroyables.
Nous atterrissons dans un « geer camp » (camp de yourtes) que nous partageons avec des
groupes de jeunes. Le lieu est agréable, dans une belle vallée, pas encore
verte, mais boisée. Malheureusement, nous n’irons pas trop vers eux. Dès le
matin, les hommes vident de nombreuses bouteilles de vodka qu’ils réalimentent
au cours de toute la journée. Cris, bagarres et disputes sont fréquents.
Impressionnant de voir ce peuple, aux visages si doux, aux attitudes si
prévenantes et accueillante devenir des « guerriers » d’une rare
agressivité. L’alcoolisme est une véritable plaie, résultat d’un long hiver, de
longues journées et d’un réel ennui en province, comme en ville.
Nous passons notre première nuit glaciale sous la yourte.
Evidemment, nous ne savons pas entretenir un feu qui s’éteint au milieu de la
nuit. Au réveil, tout le monde a le nez rouge. Les lits sont réduits à une
planche de bois et une mince couverture. Dur et froid ! Mais nous sommes
heureux de découvrir cet espace circulaire et très convivial. Nous allons nous
y habituer puisque nous devrions y dormir une vingtaine de nuits.
Le lendemain, dimanche, nous profitons d’une messe
familiale, avec Franck. Ces moments de prières en famille, dans un paysage
extraordinaires, sont émouvants. On mesure vraiment notre chance de pouvoir
consacrer du temps dans un tel espace à l’essentiel. Deo Gracias !